Biographie

ALAIN BERGEON

Par lui-même

L’après-guerre est pour mes parents une période difficile
où pendant quelques années ils manquent de tout en s’essayant au métier d’agriculteurs.

Ils sont malgré tout très gais.
Nous vivons heureux, mes deux sœurs mon frère et moi.
Nous sommes comme des rois dans cette campagne très ordinaire.
Les bois d’automne sentent le cèpe.
Les rosés des prés couvrent les prés,
les vignes promptes à geler l’hiver nous donne leurs baraganes,
les petits moulins de fil de fer et de carton tournent dans le ruisseau,
sans effrayer les écrevisses.

A nous le petit vélo, la balançoire,
les arbalètes à grenouilles,
les cerfs-volants
et la confiture de coings.

Mon père était très courageux et très ingénieux,
il passait beaucoup de temps à inventer des trucs pour gagner du temps.
De lui j’ai pris
le goût de la bricole,
le plaisir des outils,
le respect du tenon et de la mortaise,
l’affection pour le marteau, le ressort à boudin et les clous,
pour la pince-monseigneur, les clés anglaises,
les ciseaux à bois et la caravane passe (c’est pas de moi mais j’aime bien).

J’aime bien aussi les pignons d’angle,
les bielles qui coulent,
la barre de torsion,
le compas à volutes,
les poulies qui grincent,
les balanciers et les vis sans fin,
surtout les vis sans fin, et j’en passe énormément.
Tout ça me sert au théâtre bien sûr.

Ma mère était une femme douce, sensible, sensible et aimante,
qui lisait beaucoup quand elle avait le temps
et qui jouait très bien du piano.
Ils me manquent tous les deux,
j’aimerais pouvoir les revoir un jour.

Si Dieu qui est très bon et tout-puissant
voulait bien exister un peu,
il pourrait les inviter dans son Paradis.
Il m’y inviterait aussi, plus tard.
Alors, je lui pardonnerais ses offenses.

L’été, mon grand-père et ma grand-mère maternels venaient
chez nous prendre quelques vacances.
Mon grand-père faisait en amateur de belles aquarelles.
D’après la légende familiale, c’était aussi un homme distrait : un jour,
un de mes oncles l’a vu se saluer dans un miroir.
C’est avec lui que j’ai fait mon premier petit paysage « sur le motif ».
Plus tard mon oncle Tony que j’adorais, bon paysagiste amateur aussi,
homme fin et très drôle comme sont quelquefois les hommes un peut tristes,
m’emmena en Espagne. Avec lui je découvre Goya, Zurbaran, Murillo…,
mais c’est surtout Le Greco qui m’impressionne,
et pour longtemps.

Après c’est les Beaux-Arts à Bordeaux.
Cinq ans à apprendre, des années à désapprendre.
Dans ce temps des Beaux-Arts, je me fais des amis toujours fidèles.

C’est l’époque de mes premiers pas au théâtre : décorateur, acteur aussi (mais très mauvais !),
dans la troupe des Panphiles, dirigée avec passion, comme tout ce qu’il fait,
par Michel Petuaud-Létang.

Passons sur les longs mois qui me furent volés par le Ministère des Armées.

Viennent ensuite les voyages pour former ma jeunesse.
Iran, Afghanistan, Inde, plusieurs année au Liban:Exposition de peinture, création d’un atelier de vitrail avec Philippe olivier et musicien le soir,
avec le même, dans quelques lieux branchés de Beyrouth .
Ensuite c’est Londres, musique encore et peinture.
Puis retour à Bordeaux. Jean-Pierre Dulucq m’accueille dans son atelier de La Poterie.
Belles fêtes et bon travail.

De mon mariage avec Annick naissent trois enfants ;
je deviens enseignant pour les nourrir. Ils mangent énormément, ils sont très beaux,
je les aime beaucoup.
Viennent à cette époque des expositions en Espagne, en Angleterre, au Japon et en France.

Après mon divorce je rencontre Jeanne Lacombe qui devient ma compagne
pendant sept ans. Elle est peintre. Son travail, que je respecte beaucoup,
a sûrement bousculé le mien.

Depuis quinze ans, je vis avec Brigitte, qui m’aide jour après jour à tenter de savoir qui je suis.
Les étreintes qui jaillissent sur mes toiles ne sont pas le fruit du hasard…

Je partage tout mon temps entre la peinture et le théâtre – scénographie et décors- les rencontres y sont riches: rencontres avec des textes- Michaux, Molière, Pierre Rabhi, Bourgeix, Gabili, Sastres…-,
rencontres avec des metteurs en scène – nombreuses scénographies pour Jean-Luc Ollivier.
Les échanges et les complicités avec lui ont souvent apporté du nouveau
à ma création-, rencontres avec des auteurs, des comédiens, des musiciens.

Cette effervescence a nourrit la solitude de mon atelier et n’a cessé d’aiguillonner ma création.
Beaucoup de ceux avec qui j’ai passé de nombreuses journées à travailler
sur des spectacles sont devenus mes amis pour longtemps, un vrai luxe !

Depuis quelques années je consacre tout mon temps à la peinture
et c’est loin d’être suffisant.

Je suis fait de tout cela et aussi de bien d’autres choses.

Alain Bergeon

ps. Vous aurez surement remarqué que je ne m’encombre pas de dates, ça n’est pas un choix , c’est une infirmité !
Le temps a toujours été pour moi une matière malléable, déformable, presque liquide, inattrapable.
Très jeune, je m’en suis désintéressé.